Andrée D - Warren-Chapitre VII – vert – équilibre
« Oups !
Flûte alors. Je viens de marcher sur mon papillon. »
Warren ramasse les bouts d’ailes éparpillés sur le sol. Le bleu s’est terni
sous la poussière. Le bel insecte a perdu toute sa superbe. Ainsi répandu sur
le plancher, il symbolise l’issue inexorable et fatale d’une collection vouée à
l’abandon. Il finit, misérable, au fond de la corbeille à papier du jeune
homme.
Insouciant et ingrat, Warren n’en a cure. Il jette un œil complaisant à son
reflet. Pas de doute, il a viré beau gosse. Peau lisse et saine, chevelure
savamment indisciplinée, regard pétillant, bouche gourmande. Narcisse ne
l’aurait pas renié. Heureusement, la glace est petite. Elle n'est pas liquide. Pas de risque
d’engloutissement.
De l’autre côté du miroir, depuis le paradis des papillons, section collection avortée, sa victime consentante et indulgente lui adresse un sourire complice. « Bon vent à toi, compère ! ». Elle constate avec bienveillance que leur double mutation aura finalement été féconde.
Warren se saisit de
son sac à dos, en vérifie une dernière fois le contenu. En ce début de juillet,
il a rendez-vous à l’aéroport avec Lola pour une traversée de l’Irlande à
bicyclette. Le tout arrangé par Kat, avec son coutumier sens de l’organisation.
Aer Lingus doit les mener à Cork, où ils prendront possession de leurs vélos et
logeront dans une auberge de jeunesse. Ils partiront le lendemain explorer la
campagne irlandaise, son camaïeu de verts explosant sous les averses et les
caprices du soleil, le Kerry et la côte ouest jusqu’à Galway, leur palette émeraude
et saphir ourlée d’écume avant de rejoindre pour quelques jours Kat à Dublin et
attraper le vol de retour.
L’accident de Mami Vi
et ses suites ont déclenché chez Warren une prise de conscience de ses
blessures, limites et blocages et par effet domino la volonté de les dépasser. Il
sait le chemin long, ardu et caillouteux mais à deux, tout lui semble possible.
A l’occasion de leurs rendez-vous studieux, il s’en était ouvert auprès de
Lola. Petit à petit, par touches allusives, puis de plus en plus sincères et explicites.
Fine, sensible et intelligente, Lola s’était à son tour livrée auprès de cet
ami inespéré. Elle avait aimé sa discrétion, ses attentions et
son écoute. Il faut dire qu’en la matière, elle avait une longueur d’avance. Elle avait raconté ses parents carriéristes obsessionnels,
indifférents à son sort, les agressions qu’elle avait subies, livrée à
elle-même dans des villes dangereuses. Ses défenses allant du sourire désarmant
aux arts martiaux, en passant par son évasion dans les livres. Sa détermination,
sa solitude, les amis inexistants ou infidèles.
« Tu sais, avant de te rencontrer, jamais je n’aurais raconté tout cela à personne. Surtout pas à mes parents. Ils auraient été trop contents de me coller en pensionnat. Le plus sinistre et snob possible… ». « Oui, tu aurais été encore plus seule… et prisonnière ! Là, au moins tu es libre… enfin, un peu quoi ! ».
Ils s’étaient reconnus et rapprochés jusqu’à se prendre la main et échanger de prudes baisers. La suite s’était déroulée avec fluidité entre Catherine, endossant pour l’occasion son masque mondain et les parents de Lola, tout disposés à passer le relais à cette maman, elle aussi expatriée. Entre personnes du même monde, on se comprend, n’est-ce pas ?
Kat, quant à elle, a
été trop heureuse de participer au projet de son petit garçon, à peine sorti du
cocon et déjà presque adulte. Elle a de la distance et des preuves d’amour à
rattraper et est décidée à ne pas rater l’occasion de se rapprocher de lui et
d’exprimer sa tendresse. Et tant mieux si elle peut inclure Lola dans ce cercle
d’affection.
Et Mami Vi ? Et bien, … il est adorable ce petit et il va lui manquer mais
là… ça lui fait des vacances !
8 commentaires:
Bonsoir Andrée,
Voilà le Morpho Menelaus écrabouillé !
Petite détail : le papillon est un lépidoptère (famille des insectes !) et non un volatile (oiseaux !)
Chouette texte un peu rapide dans le sort de chaque personnage mais... fatalité des 700 mots !
Warren est maintenant un beau cygne et Lola a été conquise au point de passer des vacances avec lui.
Dommage que Mamy Vi disparaisse au second plan dans ce dernier épisode.
Dommage que ce soit déjà fini, tes créatures étaient bien sympa et me manqueront.
Heureusement, il restera la continuité à découvrir bientôt.
Bien à toi,
Jan.
Merci pour tes gentils commentaires Jan et ta judicieuse remarque. J'ai corrigé "volatile" en "insecte". Amicalement. Andrée
"insecte" est un peu trivial et pour rester dans la délicatesse et la précision de ton texte, j'aurais préféré "lépidoptère" plus savant et scolaire...
Ce n'est que mon avis....
Cordialement,
Jan.
Bonjour Andrée,
Belle évolution que ce petit bout d'homme vers un ado équilibré et déjà mature.
Belle écriture aussi qui illustre bien ce parcours.
Belle rencontres encore que celle de Warren et Lola ou l'amitié entre Warren et Pierre.
Comme Jan, je trouve dommage que Mamy Vi disparaisse au profit de Kat !
Certes, le changement d'attitude de la mère de Warren est chouette mais relaie trop loin le dévouement de Mamy Vi...
Je serais heureux de lire l'histoire complète.
Bien à toi,
Michel.
Bonjour Andrée,
Le papillon, fin d'une collection et d’une histoire dont Warren qui n'en n’a rien à cirer . Il a viré beau gosse tout en ayant pris conscience de ses blessures
Lola, quant à elle, dont les parents, carriéristes sont totalement indifférents à son sort, s’est rapproché de Warren. Ils se sont reconnus.
Nos ados ne sont pas toujours faciles à gérer mais, bon sang ne saurait mentir : vive notre belle jeunesse.
Je lirai avec plaisir l’entièreté de ta nouvelle. Cordialement, Christian
Chère Andrée,
Tu finis ton récit par un dernier chapitre plein de douceur et de délicatesse. Tu as su rendre tes personnages attachants jusqu'au dernier mot.
Tout finit en happy end, un peu trop lisse, à mon goût, la vie n'étant pas souvent si généreuse. Je me demande si Mamy Vy, tout en aspirant à un peu de tranquillité et heureuse de voir Warren s'épanouir, n'allait pas faire un peu sentir qu'il ne fallait pas l'oublier.
En tout cas, te lire fut un réel plaisir.
Amitiés,
José
Bonjour, Andrée…
Surprise! Exit le beau papillon bleu, malencontreusement écrasé par Warren lui-même!
Et, tout autour de lui, va de l’avant : Mamy Vi va mieux, il converse avec sa mère avec sérénité, lui-même se rend compte qu’il doit se prendre en charge!
Belle évolution! Il a le projet d’une prochaine échappée avec Lola!
Ils se sont donc rapprochés : une intimité naissante dont le lecteur n’a pas été témoin.
Nous en saurons davantage peut-être lors de la touche finale.
Une conclusion que tu nous distilleras avec la finesse d’écriture qu’on te connaît.
Sans rancune pour ces petits bémols, j’espère…?
À tout bientôt pour le happy end!
Amicalement,
Micheline.
Bonjour And rée,
On se réjouit que tout s’arrange pour Warren devenu beau gosse. La métaphore du beau papillon qui disparaît, puisque maintenant Warren est lui-même épanoui est une belle trouvaille. Ton dénouement ferme toutes les portes dans un récit rapide, objectif.
Tu ne joues pas sur le déballage d’émotions, mais ce simple récit enchante le lecteur qui découvre à chaque paragraphe une nouvelle raison de réjouir du bonheur croissant de Warren.
Contrairement à José j’aime beaucoup le tendre clin d’œil de la dernière phrase qui en dit long sur les relations de Warren et Mami Vi et qui me rappelle le « Chic-Ouf » de tant de grands-parents : « Chic, ils arrivent, ouf, ils ‘en vont ! »
Pourtant je ne peux pas m’empêcher de penser aussi comme lui que le happy end est peut-être un, peu trop lisse. Une variante possible :
Et Mami Vi ? « Et bien, … il est adorable ce petit et il va me manquer mais là… ça me fait des vacances » bougonne-t-elle en essuyant une larme.
Un dénouement à la hauteur de l’ensemble e ta nouvelle qui ne demandera guère de travail de mise au point sinon une relecture sérieuse avec attention aux notes et suggestions.
Bion travail,
Liliane
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