jeudi 3 avril 2025

 

Andrée D - Warren-Chapitre VI – rouge – Aide

 

Un réflexe venu du fonds des âges, de la petite enfance, d’un instinct primaire, viscéral.
« Maman ! »
C’est tombé sur lui comme une évidence, après sa nuit difficile, alors qu’il tentait d’organiser sa visite à Mami Vi encore hospitalisée pour plusieurs jours.
« Des fleurs ? … et pourquoi pas des roses rouges tant que j’y suis ? Non… Je vais avoir l’air con. Des chocolats. Mwouais. Faudra trouver ceux qu’elle aime. C’est le bordel à la maison… je devrai…Quel métro pour se rendre de l’école à l’hôpital ? Je regarde dans l’appli… »
« Warren Vrays ! J’imagine que toute cette concentration bénéficie à la résolution de votre intégrale… »
« Oui, M’sieur. J’ai fini… ». Une chance : c’est vrai.
« Mmmm. En ce cas, faites vos devoirs. Avancez-vous dans votre travail et laissez votre téléphone dans votre sac à dos ou je vous le confisque ». Pas dupe le prof mais indulgent à l’égard de son meilleur élève.
« Maman ! Il faut absolument que je l’appelle. Elle va me dire quoi faire pour Mami Vi… »
Dès la fin des cours, sans se préoccuper ni du décalage horaire avec l’Irlande, encore en pleine après-midi, ni des contraintes professionnelles de sa mère, Warren compose son numéro de portable et lui fait le récit complet quoique confus des évènements de la veille.
« Tout ce que je sais, c’est que l’opération s’est bien passée. J’ai appelé le service ce matin. Mais je fais quoi, maintenant ? »
« Bon. Calme-toi. Écoute, je prends un billet d’avion pour ce soir ou demain matin. J’arrive. »
C’est bien connu, les Mamans peuvent se révéler redoutablement efficaces.
Dès le lendemain, service infirmier, d’aide-ménagère et de livraison de repas étaient organisés pour le retour de Mami Vi chez elle. Leurs coordonnées accompagnées des instructions destinées à Warren placées en évidence sur la table de la cuisine.
Elle l’y attendait, très élégante dans un nouveau tailleur rouge, devant un café serré, préparé avec le dernier modèle Nespresso, acquis dans la journée en remplacement de la cafetière à l’origine de l’accident.
« Voilà Rino… »
(Non ! pas ce diminutif ridicule ! Déjà que Warren n’est pas terrible ! )
« Voilà Rino. Je pense que tout est en ordre. Tu ne dois plus trop t’inquiéter. Et puisque je suis là, je vais en profiter pour aller voir Mami et passer un peu de temps avec toi. C’est fou comme tu as changé en seulement quelques mois. Tu as drôlement grandi et je te trouve en forme. Je n’ose pas dire que tu es beau, tu vas râler…Et si on se planifiait tes vacances en Irlande ? Qu’as-tu envie de faire ? Raconte-moi… ton école ? tes potes ? quoi de neuf dans ta vie ? »
(La voilà atteinte de logorrhée aigüe. Je laisse couler ou j’interviens ?)
« Je parle, je parle et tu ne dis rien. On se fait notre italien préféré ce soir ? Ça te déliera peut-être la langue ou au moins les papilles ».
Kat déverse son trop-plein d’émotions dans une incontinence verbale étourdissante.
Warren, mutique, reconnaissant mais ébranlé et partagé entre l’indéniable bonheur de voir sa mère, l’humiliation de n’avoir pu se débrouiller sans elle et une profusion de sentiments non encore identifiés bredouille un vague « Super ! Je vais me changer et on y va. »
Cette fois encore, le miroir ne l’aidera pas à dénouer l’écheveau de ses contradictions.

Nappe de lin rouge, bougies écarlates disséminées avec art, plats tomatés résolument délicieux. Warren se détend enfin. Il se raconte à sa mère, attentive et finalement muette, mais taira Lola nonobstant ses joues tout-à-coup rosies. Se limitera, sans en évoquer l’origine, à faire état de ses progrès en anglais et de ses résultats exceptionnels en math.

Lassé de l’indifférence dont on entoure la perte de sa splendeur, le papillon poursuit sa descente vers le plancher.

6 commentaires:

Jan M. a dit…

Bonjour Andrée,
Des retrouvailles logiques et un Warren du coup rabaissé à son rôle de gamin...
Un échange de vues tout à fait crédible et des sentiments bien ressentis !
Et si Warren décidait maintenant de ne plus être cet ado obéissant mais faisait montre d'un vrai caractère, volontaire, affirmé ?
Comment réagirait la mère ? Et quel service à rendre à Mamy Vi ,
Je suis curieux de lire ce que tu vas nous concocter comme fin...
Que va devenir le papillon bleu ?
Bien à toi,
Jan.

José V. a dit…

Chère Andrée,
Que ce chapitre est mené avec brio ! Et quelle justesse dans les sentiments tant de Warren que de sa mère ! Tout est touchant.
Si la papillon tombe en poussière, Warren poursuit quant à lui sa mue vers l'homme qu'il sera bientôt.
Et si Kat rencontrait Lola et que le courant paissait bien entre elles, Warren en acquerrait-il plus de confiance en lui ?
Je présume une fin heureuse.
Amicalement,
José

Atelier Windels a dit…

Bonjour Andrée,
Cet épisode aurait pu être dramatique mais il est plaisant et même amusant.
Je trouve très bien décrit le trouble de Warren entre enfance et adolescence. On ressent vraiment qu'il grandit !
J'espère que Pierre et Lola réapparaîtront dans le texte final...
Et si Mamy Vi ne revenait jamais chez elle, que deviendrait Warren ?
Bien à toi,
Michel.

christian Vanderstraeten a dit…

Bonjour Andrée,

Warren n’a pas à se sentir humilié pour n’avoir pas pu, seul, se débrouiller sans sa mère ; ce n’est tout de même qu’un ado qui n’a pas, ou peu, d’expérience. Mais voilà, comprendre nos ados est et a toujours été compliqué.

Que va devenir le miroir ? Et notre papillon ? Comment évoluera la relation mère-fils ?

J’attends des réponses avec curiosité, de lire la fin de cette belle histoire. Bravo.
Cordialement, Christian

Anonyme a dit…

Bonjour, Andrée,
Voilà ce qui arrive quand on lance un appel au secours à une mère omniprésente, et bavarde surtout!
Cela a le mérite au moins de nous faire partager des commentaires de Warren vraiment jouissifs!
Et si, par ce tête à tête chaleureux, notre ado se trouvait rasséréné et confiant en ses propres capacités, en fin de compte?
Et si son papillon disparaissait une fois pour toute dans la poussière?
Et si, toi André…? Non, ne change rien surtout, c’est toujours un plaisir de te découvrir.
Bon travail pour la suite!
Amicalement,
Micheline.

Liliane a dit…

Bonjour Andrée,

Un pur bonheur de lecture, ce texte empreint d’une tendresse gentiment moqueuse. On est complètement en phase avec le désarroi de Warren.
Un bonus pour la première phrase qui fait démarrer le texte par un élan spontané et qui s’oppose à la constatation inquiétante de la dernière.
Un autre pour le diminutif imposé par la mère qui n’a pas vu grandir son fils !
Que dire de plus de cette réussite ? Qu’on aime aussi la maman compréhensive et efficace quoique trop bavarde. Mais ne serait-ce pas une astuce pour laisse à Warren le temps de se retrouver en confiance ?
Un détail :
- Warren Vrays ! J’imagine que toute cette concentration bénéficie à la résolution de votre intégrale…
A ce moment-là, Warren est sur son portable. La remarque du professeur est peut-être ironique, mais peu claire. Je penserais à quelque chose du genre :
- Warren Vrays ! Je vous vois très concentré. J’imagine que cette consultation de votre portable bénéficie à la résolution de votre intégrale…
Si tu as besoin d’une consigne, pour écrire le dénouement -ce dont je doute – tu pourrais imaginer que Warren trouve un équilibre. Et une couleur, le vert.
Bon travail,
Liliane