Andrée D - Warren-Chapitre VI – rouge – Aide
Un réflexe venu du
fonds des âges, de la petite enfance, d’un instinct primaire, viscéral.
« Maman ! »
C’est tombé sur lui comme une évidence, après sa nuit difficile, alors qu’il
tentait d’organiser sa visite à Mami Vi encore hospitalisée pour plusieurs
jours.
« Des fleurs ? … et pourquoi pas des roses rouges tant que j’y suis ? Non…
Je vais avoir l’air con. Des chocolats. Mwouais. Faudra trouver ceux qu’elle
aime. C’est le bordel à la maison… je devrai…Quel métro pour se rendre de
l’école à l’hôpital ? Je regarde dans l’appli… »
« Warren Vrays ! J’imagine que toute cette concentration bénéficie à
la résolution de votre intégrale… »
« Oui, M’sieur. J’ai fini… ». Une chance : c’est vrai.
« Mmmm. En ce cas, faites vos devoirs. Avancez-vous dans votre travail et
laissez votre téléphone dans votre sac à dos ou je vous le confisque ».
Pas dupe le prof mais indulgent à l’égard de son meilleur élève.
« Maman ! Il faut absolument que je l’appelle. Elle va me dire quoi
faire pour Mami Vi… »
Dès la fin des cours, sans se préoccuper ni du décalage horaire avec l’Irlande,
encore en pleine après-midi, ni des contraintes professionnelles de sa mère,
Warren compose son numéro de portable et lui fait le récit complet quoique
confus des évènements de la veille.
« Tout ce que je sais, c’est que l’opération s’est bien passée. J’ai
appelé le service ce matin. Mais je fais quoi, maintenant ? »
« Bon. Calme-toi. Écoute, je prends un billet d’avion pour ce soir ou
demain matin. J’arrive. »
C’est bien connu, les Mamans peuvent se révéler redoutablement efficaces.
Dès le lendemain, service infirmier, d’aide-ménagère et de livraison de repas
étaient organisés pour le retour de Mami Vi chez elle. Leurs coordonnées accompagnées
des instructions destinées à Warren placées en évidence sur la table de la
cuisine.
Elle l’y attendait, très élégante dans un nouveau tailleur rouge, devant un
café serré, préparé avec le dernier modèle Nespresso, acquis dans la journée en
remplacement de la cafetière à l’origine de l’accident.
« Voilà Rino… »
(Non ! pas ce diminutif ridicule ! Déjà que Warren n’est pas
terrible ! )
« Voilà Rino. Je pense que tout est en ordre. Tu ne dois plus trop
t’inquiéter. Et puisque je suis là, je vais en profiter pour aller voir Mami et
passer un peu de temps avec toi. C’est fou comme tu as changé en seulement
quelques mois. Tu as drôlement grandi et je te trouve en forme. Je n’ose pas
dire que tu es beau, tu vas râler…Et si on se planifiait tes vacances en
Irlande ? Qu’as-tu envie de faire ? Raconte-moi… ton école ? tes
potes ? quoi de neuf dans ta vie ? »
(La voilà atteinte de logorrhée aigüe. Je laisse couler ou j’interviens ?)
« Je parle, je parle et tu ne dis rien. On se fait notre italien préféré
ce soir ? Ça te déliera peut-être la langue ou au moins les papilles ».
Kat déverse son trop-plein d’émotions dans une incontinence verbale
étourdissante.
Warren, mutique, reconnaissant mais ébranlé et partagé entre l’indéniable
bonheur de voir sa mère, l’humiliation de n’avoir pu se débrouiller sans elle
et une profusion de sentiments non encore identifiés bredouille un vague
« Super ! Je vais me changer et on y va. »
Cette fois encore, le miroir ne l’aidera pas à dénouer l’écheveau de ses
contradictions.
Nappe de lin rouge, bougies écarlates disséminées avec art, plats tomatés résolument délicieux. Warren se détend enfin. Il se raconte à sa mère, attentive et finalement muette, mais taira Lola nonobstant ses joues tout-à-coup rosies. Se limitera, sans en évoquer l’origine, à faire état de ses progrès en anglais et de ses résultats exceptionnels en math.
Lassé de l’indifférence dont on entoure la perte de sa splendeur, le papillon poursuit sa descente vers le plancher.
6 commentaires:
Bonjour Andrée,
Des retrouvailles logiques et un Warren du coup rabaissé à son rôle de gamin...
Un échange de vues tout à fait crédible et des sentiments bien ressentis !
Et si Warren décidait maintenant de ne plus être cet ado obéissant mais faisait montre d'un vrai caractère, volontaire, affirmé ?
Comment réagirait la mère ? Et quel service à rendre à Mamy Vi ,
Je suis curieux de lire ce que tu vas nous concocter comme fin...
Que va devenir le papillon bleu ?
Bien à toi,
Jan.
Chère Andrée,
Que ce chapitre est mené avec brio ! Et quelle justesse dans les sentiments tant de Warren que de sa mère ! Tout est touchant.
Si la papillon tombe en poussière, Warren poursuit quant à lui sa mue vers l'homme qu'il sera bientôt.
Et si Kat rencontrait Lola et que le courant paissait bien entre elles, Warren en acquerrait-il plus de confiance en lui ?
Je présume une fin heureuse.
Amicalement,
José
Bonjour Andrée,
Cet épisode aurait pu être dramatique mais il est plaisant et même amusant.
Je trouve très bien décrit le trouble de Warren entre enfance et adolescence. On ressent vraiment qu'il grandit !
J'espère que Pierre et Lola réapparaîtront dans le texte final...
Et si Mamy Vi ne revenait jamais chez elle, que deviendrait Warren ?
Bien à toi,
Michel.
Bonjour Andrée,
Warren n’a pas à se sentir humilié pour n’avoir pas pu, seul, se débrouiller sans sa mère ; ce n’est tout de même qu’un ado qui n’a pas, ou peu, d’expérience. Mais voilà, comprendre nos ados est et a toujours été compliqué.
Que va devenir le miroir ? Et notre papillon ? Comment évoluera la relation mère-fils ?
J’attends des réponses avec curiosité, de lire la fin de cette belle histoire. Bravo.
Cordialement, Christian
Bonjour, Andrée,
Voilà ce qui arrive quand on lance un appel au secours à une mère omniprésente, et bavarde surtout!
Cela a le mérite au moins de nous faire partager des commentaires de Warren vraiment jouissifs!
Et si, par ce tête à tête chaleureux, notre ado se trouvait rasséréné et confiant en ses propres capacités, en fin de compte?
Et si son papillon disparaissait une fois pour toute dans la poussière?
Et si, toi André…? Non, ne change rien surtout, c’est toujours un plaisir de te découvrir.
Bon travail pour la suite!
Amicalement,
Micheline.
Bonjour Andrée,
Un pur bonheur de lecture, ce texte empreint d’une tendresse gentiment moqueuse. On est complètement en phase avec le désarroi de Warren.
Un bonus pour la première phrase qui fait démarrer le texte par un élan spontané et qui s’oppose à la constatation inquiétante de la dernière.
Un autre pour le diminutif imposé par la mère qui n’a pas vu grandir son fils !
Que dire de plus de cette réussite ? Qu’on aime aussi la maman compréhensive et efficace quoique trop bavarde. Mais ne serait-ce pas une astuce pour laisse à Warren le temps de se retrouver en confiance ?
Un détail :
- Warren Vrays ! J’imagine que toute cette concentration bénéficie à la résolution de votre intégrale…
A ce moment-là, Warren est sur son portable. La remarque du professeur est peut-être ironique, mais peu claire. Je penserais à quelque chose du genre :
- Warren Vrays ! Je vous vois très concentré. J’imagine que cette consultation de votre portable bénéficie à la résolution de votre intégrale…
Si tu as besoin d’une consigne, pour écrire le dénouement -ce dont je doute – tu pourrais imaginer que Warren trouve un équilibre. Et une couleur, le vert.
Bon travail,
Liliane
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