vendredi 21 novembre 2025

Prologue

 

Enfin !

Journée terminée !

Hortense se jette avec délice dans son canapé tout en lançant ses escarpins d’un coup de pied rapide. Ils atterrissent tous deux près de la fenêtre ouverte. Encore heureux que cette fois-ci, son geste ait été précis car ils auraient très bien pu s’envoler par la baie ouverte comme la dernière fois…

Elle se met à  rire en se remémorant les invectives de sa voisine qui les avait reçus dans ses géraniums.

-          « Hortense !! Enfin ! La fois passée, c’était l’eau de vos basilics, cette fois-ci vos chaussures, la prochaine fois, vos petites culottes ?

Ce souvenir l’a déjà détendue ! Elle le savoure autant que la libération de ses orteils. Mais quelle idée d’obliger les hôtesses de l’air à porter ces instruments de torture. Et dire que les femmes sont libérées! Elle observe le joli tatouage qu’un Tahitien lui a gravé lors d’une escale à Papeete. Un tatouage, discret, délicat, léger, un  calligramme qui s’envole puis s’enroule comme une vague. A nouveau, elle le trouve splendide. Son premier acte de rébellion, quand elle a voulu s’émanciper de sa famille.

Hortense Duquesnoy ! Quelle nom difficile à porter. Papa, homme d’affaires, CEO des magasins Duquesnoy et consorts,  à l’International ! Maman, de toutes les œuvres caricatives . Impossible de sortir à Lille sans être directement associée à cette famille, ô combien charismatique mais envahissante. Heureusement que son travail l’a obligée à migrer à Senlis.

Elle posa alors son deuxième acte de révolte : Hortense Duquesnoy, devint Hortense Grimaldi. Le choix du nom était symbolique : elle demanda d’être appelée comme sa mère en souvenir de sa grand-mère maternelle Hortensia Grimaldi, italienne au tempérament fougueux qui fut la première femme de sa famille à jeter son corset aux orties et à se couper les cheveux.

Pour le corset, Hortense comprend. Mais pas vraiment pour la coupe. Elle tient trop à sa tignasse. C’est peut-être la seule contrainte personnelle qu’elle s’inflige car elle adore ce signe de féminité. C’est vrai qu’elle arbore fièrement une crinière de lion, rousse, épaisse, dans laquelle ses doigts se perdent quand elle la coiffe. Jamais un coup de peigne, ni de brosse pour entretenir ses boucles spectaculaires. Bien sûr, l’étape du chignon s’impose pour dompter sa coiffure. Elle peut bien faire ces deux concessions pour garder son travail : discipliner ses pieds dans ces foutus escarpins et sa chevelure  pour poser ce ridicule couvre-chef ! Car oui, malgré les apparences de l’uniforme, le chef, ça reste bien elle !

Elle se relève au bout de quelques minutes pour enlever cet uniforme. Hortense le jette comme à son habitude tout le long du trajet qui mène à la douche. Ses courbes se dévoilent ainsi aux détours des miroirs et se libèrent des derniers carcans imposés aux femmes. Adieu, slip, soutien-gorge. La nudité à l’état pur. Rien de tel pour la sensation de liberté.

Ses cheveux mouillés continuent à dégouliner dans le dos en de profonds sillons qui lui procurent des frissons. Le contraste avec la soirée torride est saisissant. Alors, elle ne les essuie pas et continue à profiter des bienfaits de cette douche.

Elle enfile simplement un short et un caraco soyeux qu’elle sent à peine sur la peau. Elle se parera de bijoux si Samuel l’appelle tout à l’heure pour sortir. Pour l’instant, c’est la détente. Elle se sert un Spritz bien glacé et s’installe sur le pouf de son petit balcon. Les écouteurs vissés dans les oreilles, elle se laisse bercer par la musique cubaine,  savoure le froid du verre contre sa  gorge, le pétillant de la boisson et les rayons du soleil. Hortense  se met aussi à imaginer le bon repas maison qu’elle va se concocter ce soir.

Son smartphone se met à sonner : les parents !

Aucune envie d’entamer une conversation poliçée avec ses paternels. Elle ignore donc l’appel et laisse courir les notes de la sonnerie « Polaris ».

Cette absence de réponse lui procure chaque fois le même plaisir. Son père à qui elle a dû obéir « au doigt et à l’œil », maintenant, c’est elle qui le mène à la baguette.

C’est elle qui décide ! Enfin !

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