Enfin !
Journée
terminée !
Hortense se jette avec
délice dans son canapé tout en lançant ses escarpins d’un coup de pied rapide.
Ils atterrissent tous deux près de la fenêtre ouverte. Encore heureux que cette
fois-ci, son geste ait été précis car ils auraient très bien pu s’envoler par
la baie ouverte comme la dernière fois…
Elle se met à rire en se remémorant les invectives de sa
voisine qui les avait reçus dans ses géraniums.
-
«
Hortense !! Enfin ! La fois passée, c’était l’eau de vos basilics,
cette fois-ci vos chaussures, la prochaine fois, vos petites culottes ?
Ce souvenir l’a déjà
détendue ! Elle le savoure autant que la libération de ses orteils. Mais
quelle idée d’obliger les hôtesses de l’air à porter ces instruments de
torture. Et dire que les femmes sont libérées! Elle observe le joli tatouage qu’un
Tahitien lui a gravé lors d’une escale à Papeete. Un tatouage, discret,
délicat, léger, un calligramme qui s’envole
puis s’enroule comme une vague. A nouveau, elle le trouve splendide. Son
premier acte de rébellion, quand elle a voulu s’émanciper de sa famille.
Hortense
Duquesnoy ! Quelle nom difficile à porter. Papa, homme d’affaires, CEO des
magasins Duquesnoy et consorts, à l’International ! Maman, de toutes
les œuvres caricatives . Impossible de sortir à Lille sans être directement
associée à cette famille, ô combien charismatique mais envahissante. Heureusement
que son travail l’a obligée à migrer à Senlis.
Elle posa alors son
deuxième acte de révolte : Hortense Duquesnoy, devint Hortense Grimaldi.
Le choix du nom était symbolique : elle demanda d’être appelée comme sa
mère en souvenir de sa grand-mère maternelle Hortensia Grimaldi, italienne au
tempérament fougueux qui fut la première femme de sa famille à jeter son corset
aux orties et à se couper les cheveux.
Pour le corset,
Hortense comprend. Mais pas vraiment pour la coupe. Elle tient trop à sa
tignasse. C’est peut-être la seule contrainte personnelle qu’elle s’inflige car
elle adore ce signe de féminité. C’est vrai qu’elle arbore fièrement une
crinière de lion, rousse, épaisse, dans laquelle ses doigts se perdent quand
elle la coiffe. Jamais un coup de peigne, ni de brosse pour entretenir ses
boucles spectaculaires. Bien sûr, l’étape du chignon s’impose pour dompter sa
coiffure. Elle peut bien faire ces deux concessions pour garder son
travail : discipliner ses pieds dans ces foutus escarpins et sa chevelure pour poser ce ridicule couvre-chef ! Car
oui, malgré les apparences de l’uniforme, le chef, ça reste bien elle !
Elle se relève au bout
de quelques minutes pour enlever cet uniforme. Hortense le jette comme à son
habitude tout le long du trajet qui mène à la douche. Ses courbes se dévoilent
ainsi aux détours des miroirs et se libèrent des derniers carcans imposés aux
femmes. Adieu, slip, soutien-gorge. La nudité à l’état pur. Rien de tel pour la
sensation de liberté.
Ses cheveux mouillés
continuent à dégouliner dans le dos en de profonds sillons qui lui procurent
des frissons. Le contraste avec la soirée torride est saisissant. Alors, elle
ne les essuie pas et continue à profiter des bienfaits de cette douche.
Elle enfile simplement
un short et un caraco soyeux qu’elle sent à peine sur la peau. Elle se parera
de bijoux si Samuel l’appelle tout à l’heure pour sortir. Pour l’instant, c’est
la détente. Elle se sert un Spritz bien glacé et s’installe sur le pouf de son
petit balcon. Les écouteurs vissés dans les oreilles, elle se laisse bercer par
la musique cubaine, savoure le froid du
verre contre sa gorge, le pétillant de
la boisson et les rayons du soleil. Hortense se met aussi à imaginer le bon repas maison qu’elle
va se concocter ce soir.
Son smartphone se met
à sonner : les parents !
Aucune envie d’entamer
une conversation poliçée avec ses paternels. Elle ignore donc l’appel et laisse
courir les notes de la sonnerie « Polaris ».
Cette absence de
réponse lui procure chaque fois le même plaisir. Son père à qui elle a dû obéir
« au doigt et à l’œil », maintenant, c’est elle qui le mène à la
baguette.
C’est elle qui décide !
Enfin !
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